La démocratie est-elle efficace ? (5)

2 août 2006

La démocratie est-elle efficace ? (5)

Inversement, dans les dictatures on est dans le deuxième excès (agir sans réfléchir) car un seul homme décide sans prendre en compte tous les avis, sans peser le «contre». Quand Ceaucescu prenait une décision ubuesque, personne n’osait jamais lui faire la moindre objection. Il décidait très facilement et très rapidement car il ignorait le «contre». Certes, dans toutes les dictatures il y a des forces qui «délibèrent» en coulisse, des lobbies, des mafias, des groupes de pression. Mais au final c'est la même chose : le dictateur peut les ignorer et prendre n'importe quelle décision sans crainte. Donc il y a des forces qui s'opposent à sa décision… mais il les ignore purement et simplement !

La dictature échappe au problème de l’action irréfléchie quand elle introduit une dose de délibération avant l’action, quand elle laisse s’exprimer certaines forces. Les despotes éclairés ont des conseillers et ils les écoutent, ils ont des services secrets qui font des rapports sur l’opinion des gens et la situation du pays et ils les écoutent. Ceaucescu avait des services secrets qui l’informaient que les gens manquaient de savon et de café mais ils ne les écoutaient pas.

Je pense donc que, contrairement à ce qu'on entend parfois, la dictature n’est pas plus efficace que la démocratie dans l’action. Elle agit plus vite mais plus mal. Il n’y a que dans les dictatures qu'on peut prendre en cinq minutes des décisions économiques aberrantes qui vont déclencher des famines et faire des millions de victimes. C’est facile de décider rapidement quand on ne réfléchit pas et qu'on se moque des conséquences négatives possibles de son action. La dictature décide plus vite mais plus mal, en ignorant superbement le résultat effectif de ses actions… jusqu'au jour où elle est renversée et alors, elle laisse le pays dans un état catastrophique.

Je pense que le vrai concurrent de la démocratie est le despote éclairé, celui qui échappe à l’action irréfléchie en introduisant une dose de délibération, donc qui agit vite et bien, là où la démocratie réfléchit beaucoup mais ne réussit pas toujours à agir. Et le vrai concurrent de la dictature est la démocratie forte, où on peut trancher et agir, soit que le président a un fort pouvoir décisionnaire (cf article 49.3), soit qu'il manipule les médias pour susciter l’accord de la majorité de ses citoyens quant à ses décisions.